Les textes législatifs sur les mariages forcés

Les textes législatifs sur les mariages forcés

Les mariages forcés sont contraires au droit français, tout comme ils sont contraires à la plupart des législations des autres pays du monde.

Depuis la loi du 4 avril 2006, en France, le mariage est désormais interdit en dessous de 18 ans révolus, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme. Cependant, cette nouvelle loi ne règle pas le problème des mariages coutumiers, traditionnels et/ou religieux qui existent toujours.

Mineures de moins de 15 ans

Concernant les mariages coutumiers, religieux ou traditionnels, impliquant des rapports sexuels forcés, la loi est intraitable. Les mineures de moins de 15 ans ne sont pas considérées comme aptes à consentir à l’acte sexuel. La protection des mineures de moins de 15 ans risquant d’être mariées de force ou l’ayant été, s’articule donc autour de cette interdiction.

Il s’agit de trois dispositions qui punissent les relations sexuelles entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur :

  • L’article 227-25 du Code pénal : La personne majeure peut être poursuivie et punie d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si elle a eu un rapport sexuel (sans pénétration) sans violence, contrainte, menace ni surprise avec un mineur de moins de 15 ans. Il s’agit dans ce cas là d’une atteinte sexuelle.
  • L’article 222-29-1 du Code pénal : La personne majeure peut être poursuivie et punie d’une peine de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende lorsqu’elle a commis un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, par exemple des attouchements, et l’a imposé à un mineur de 15 ans. Il s’agit d’une agression sexuelle.
  • L’article 222-23 et 222-24 du Code pénal : La personne majeure peut être poursuivie et punie d’une peine de 20 ans de réclusion criminelle lorsqu’elle a exercé un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, avec violence, contrainte, menace ou surprise sur un mineur de moins de 15 ans. Il s’agit dans ce cas là d’un viol.

Il faut bien ajouter que la tentative de ces infractions est punie par la loi (l’article 227-27-2 pour l’atteinte sexuelle, l’article 222-31 pour l’agression sexuelle, pour le viol qui est un crime c’est toujours punissable), c’est-à-dire le commencement d’exécution de ces infractions avec le critère de l’absence de désistement volontaire de l’auteur. En vertu de l’article 121-7 du Code pénal, les complices qui ont aidé ou assisté volontairement la commission de ces infractions encourent la même peine que l’auteur principal.

Rappel : L’absence de mot du consentement dans le Code pénal a suscité des débats dans plusieurs affaires récentes. Par conséquent, le gouvernement actuel a lancé un projet de loi sur la présomption de non-consentement pour les mineurs de moins de 15 ans qui vise que toute acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans est qualifié d’un viol et considéré comme non-consentant. Ce projet est en cours de ratification par le Parlement.

Les jeunes mineures de moins de 15 ans risquant d’être mariées ou l’ayant déjà été doivent donc bénéficier d’une protection absolue. Il est du devoir de chacun de signaler et d’agir en fonction du risque de crime de viol ou des autres délits. Cette protection passe par un signalement au Procureur de la République et/ou à la Brigade de Protection des Mineurs. L’article 375 du Code civil prévoit la possibilité pour le tuteur de saisir le juge d’enfant en cas de risque de mariage forcé concernant son élève. Selon l’article 375-7 du même Code, le juge peut ordonner l’interdiction de sortie du territoire français pour une durée maximum de 2 ans. Le mineur, lui-même, peut demander une mesure de protection auprès de TGI de son domicile sans accord de ses parents. Il peut également contacter une association (numéro : 119) qui l’accompagne avec l’aide d’un avocat, gratuit pour les enfants.

Mineures de plus de 15 ans :

Sur le plan sexuel, la loi considère qu’une mineure de plus de 15 ans est en mesure de consentir à une relation sexuelle avec un majeur. Par contre, comme pour les mineurs de moins de 15 ans, le viol et l’agression sexuelle (qui ne sont pas consentis) sont punis par la loi:

  • L’article 222-27 du Code pénal est applicable à l’agression sexuelle commise sur un mineur plus de 15 ans, la peine est de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
  • L’article 222-23 du Code pénal est relatif au viol commis sur un mineur plus de 15 ans, la peine est de 15 ans de réclusion criminelle.

La tentative et la complicité de ces infractions sont punies de même manière que pour les mineurs de moins de 15 ans.

La situation de contrainte au mariage permet d’amener la notion de viol et donc d’engager les mesures de protections adaptées. Cette protection passe par un signalement au Procureur de la République, à l’Aide Sociale à l’Enfance et/ou la Brigade de Protection des Mineurs.

De plus : quel que soit l’âge des mineures, il existe un délit de soustraction sans violence par ascendant, aggravé en cas de déplacement à l’étranger. Cette infraction est prévue par l’article 227-7 du Code pénal qui dispose une peine de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

De même, il existe un délit d’enlèvement sans violence par un tiers prévu par l’article 227-8 du Code pénal qui dispose une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. C’est le cas lorsque la future belle-famille enlève l’enfant pour la conduire au pays. Si le Juge en est informé au moment où la jeune fille va quitter le territoire français, il peut agir en urgence.

La tentative de ces délits est admise par l’article 227-11 du Code pénal. La complicité peut être admise aussi soit par aide ou assistance, soit par l’instigation en vertu de l’article 121-7 du Code pénal. Ces infractions correspondent à l’ancienne qualification de détournement de mineur.

Toute personne majeure est présumée responsable de ses actes. Cependant, comme n’importe quelle citoyenne française, elle est libre de disposer de son corps, et elle est protégée contre toute atteinte à son intégrité physique.

Ainsi, les jeunes filles majeures mariées de force ou risquant de l’être peuvent porter plainte, par exemple pour viol conjugal dans le cas d’un mariage civil. Concernant les mariages coutumiers et/ou religieux, les jeunes filles peuvent porter plainte, selon leur situation, pour enlèvement, séquestration, violences et bien sûr, viol, en vertu des articles précédemment cités.

Par ailleurs, depuis la loi du 9 juillet 2010 modifiée par la loi du 4 aout 2014, il est possible d’obtenir des moyens de protection des victimes par une ordonnance de protection. Elle peut être délivrée par le juge aux affaires familiales, en urgence, à la personne majeure menacée d’un mariage forcé civil ou religieux. L’article 515-13 du Code civil prévoit cette mesure. Une ordonnance ne peut être prononcée que si les violences invoquées sont prouvées.

La preuve des violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques peut être apportée par :

  • Les certificats médicaux
  • Le récépissé de plainte
  • Une décision judiciaire rendue dans le cadre de la procédure pénale attestant de la réalité des faits
  • SMS, témoignages, photos, attestations d’associations ou de travailleurs sociaux

Dans sa requête, la victime doit préciser les mesures qu’elle demande au Juge aux Affaires Familiales de prononcer (par exemple, l’interdiction pour l’auteur de s’approcher d’elle, l’interdiction temporaire de sortie du territoire).

Les mesures sont prises pour une durée maximale de 6 mois à compter de la notification de l’ordonnance. La durée de validité des mesures peut être prolongées au-delà si, pendant ce délai de 6 mois, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée.

IMPORTANT : Concernant le risque de mariages forcés lors de séjours au pays d’origine des parents, il faut insister sur la notion de risque et les précautions à prendre. En effet, il faut que les participant.e.s comprennent bien que si les associations ont pu faire revenir certaines jeunes filles en France alors qu’elles risquaient d’être mariées de force ou l’avaient déjà été, ce n’est pas forcément possible à chaque fois. Il faut en effet en vertu de l’article 34 de la loi du 9 juillet 2010 que la personne concernée soit majeure et qu’elle puisse justifier de sa nationalité française ou une résidence habituelle et régulière sur le territoire français. De plus, il faut que les personnes aient été victimes à l’étranger de violences volontaires ou d’agressions sexuelles commises dans le cadre d’un mariage forcé ou en raison de leur refus de se soumettre à un mariage forcé.

Un nouvel article 222-14-4 issu de la loi du 5 aout 2013 s’est inscrit dans le Code pénal disposant une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende pour le fait de tromper une personne aux fins de l’emmener à l’étranger pour la forcer à y contracter un mariage. Cette disposition est un instrument juridique utile, alors qu’il est pratiquement impossible de sanctionner l’union matrimoniale elle-même, considérée comme légale dans le pays où elle a été célébrée. Elle punit la tromperie, le mensonge d’un parent à l’égard de son enfant. La sanction touche ainsi la famille de la victime, qui est également l’auteur de son oppression (y compris le père, la mère, et les autres membres de la famille étant complices).

De plus, l’article 222-13 impose 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail lorsqu’elles sont commises contre une personne, en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union.

Par ailleurs, lorsque les crimes ou les délits de meurtre, actes de torture ou de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ou inférieure ou égale à huit jours sont commises contre une personne à l’étranger « en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union », les auteurs pourront être poursuivis et condamnés en France dès lors que la victime réside habituellement en France (article 222-16-3 du code pénal).

Ainsi, lorsqu’une personne soupçonne fortement, ou est informée qu’elle va être mariée contre son gré lors de vacances au pays d’origine, elle doit éviter de quitter le territoire français. De cette manière, elle ne prend aucun risque.

Par ailleurs, il faut rappeler que, pour les non-françaises, en possession d’un titre de séjour (quel que soit sa durée de validité), une absence du territoire français de plus de 3 ans, entraîne la destitution de ses droits. Si elle arrive à rentrer en France après plus de 3 ans passés hors du territoire, elle sera considérée comme primo-arrivante.

Enfin, depuis la loi du 4 avril 2006, le délai de recevabilité de la demande en nullité du mariage a été allongé jusqu’à 5 ans après la célébration du mariage (article 6 de la loi). Ainsi, une personne qui a été contrainte à en épouser une autre par diverses pressions et/ou violences peut demander l’annulation de ce mariage jusqu’à 5 ans après. Depuis la loi du 27 février 2017, pour les crimes (viol) le délai de prescription pour porter plainte par une victime majeure victime de viol (crime) est de 20 ans, et il est de 6 ans pour les délits (agression sexuelle, atteinte sexuelle) à partir de la date des faits. Pour les mineurs, la loi reste inchangée depuis 2004 : le droit de porter plainte dure jusqu’à 20 ans après la majorité (18 ans), jusqu’à 38 ans.

Rappel : Un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a enfin été déposé le 21 mars 2018, porté par Nicole Belloubet et Marlène Schiappa. L’objet est de maintenir ce régime doublement dérogatoire, au prix d’un allongement de la durée de prescription à 30 années. Ainsi, les victimes auront le temps nécessaire à la dénonciation des faits, en particulier de tenir compte du phénomène d’amnésie traumatique propre aux agressions perpétrées contre des enfants.

La femme (ou ses parents, si elle est mineure) qui demande l’asile au motif d’un risque de mariage forcé ou d’un mariage forcé avéré peut obtenir le statut de réfugié ou, à défaut, la protection subsidiaire.

Il existe des spécificités en cas de demande d’asile s’il existe un risque de mariage forcé.

Le statut de réfugié

Le statut de réfugié est reconnu par l’Ofpra en application de l’article 1er A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui stipule que :

« le terme de réfugié s’applique à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

L’interprétation de cet article est réalisée à la lumière de la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour nationale du droit d’asile. La loi sur l’asile précise que les actes de persécution et les motifs de persécution visés par cet article doivent également être appréciés dans les conditions prévues par les directives européennes.

Les personnes reconnues réfugiées sont placées sous la protection juridique et administrative de l’Ofpra ; elles ont vocation à bénéficier d’une carte de résident valable dix ans en application de l’article L.314-11-8° du CESEDA.

La protection subsidiaire

Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :

  • la peine de mort ou une exécution;
  • la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants;
  • pour des civils, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international (article L.712-1 du CESEDA).

Les bénéficiaires de la protection subsidiaire sont placés sous la protection juridique et administrative de l’Ofpra, ils ont vocation à se voir délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée de un an renouvelable et portant la mention « vie privée et familiale » en application de l’article L.313-13 du CESEDA.

La procédure générale de demande d’asile : cliquer ici

Attention, pour Paris et toute la région parisienne, il faut au préalable prendre un rendez-vous via la plate-forme téléphonique du Guichet Unique :

Du lundi au vendredi, de 10 h 00 à 15 h 30 au 01 42 500 900.