Une YouTubeuse égyptienne bouscule les tabous sur la sexualité dans le monde arabe

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Des problèmes d’éjaculation précoce aux meilleures positions sexuelles, en passant par la taille du pénis préférée chez les femmes, Aliaa Shams n’élude aucun sujet dans ses vidéos. Et les internautes en redemandent.

Aliaa Gad est diplômée en médecine de l’Université Ain Shams du Caire, avec une spécialisation en éducation sanitaire. Elle a lancé sa chaîne YouTube en 2010 pour dispenser des conseils sur la sexualité à destination du public arabophone. Le succès de ses vidéos est époustouflant.Celle où elle parle de la taille idéale du pénis a par exemple été vue plus de 1,6 million de fois. Une autre où elle donne des conseils sur le comportement à adopter lors de la nuit de noces a été visionnée plus de 3 millions de fois.Sur sa chaîne YouTube Afham TV (Comprendre TV) Aliaa Gad publie aussi maintenant des vidéos en anglais.

Erectile Dysfunction Vidéo qui évoque les problèmes d’érection.

« Changer les mentalités sans casser les traditions »

Quand j’étais étudiante à l’Université Ain Shams en Égypte, je me suis rendu compte qu’il y avait un manque d’information terrible sur la prévention de certaines maladies sexuellement transmissible. À cette époque [milieu des années 1990, ndlr], les chaînes satellitaires commençaient à se développer en Égypte. J’en ai contacté plusieurs pour leur présenter un projet de programme éducatif autour de ces questions. Mais je n’ai eu aucun retour.

En 2010, j’ai donc décidé de produire mes propres films éducatifs sur YouTube. J’ai acheté une vielle caméra à cinq euros et j’ai commencé à faire des vidéos très basiques sur la santé et la famille. Dans l’une des premières vidéos, j’ai parlé du dépistage du cancer du sein. J’ai eu beaucoup de retours et j’en ai été étonnée. Des femmes m’ont contactée pour me remercier et me dire qu’elles avaient pu déceler de façon précoce un cancer grâce à cette vidéo. Du coup, ça m’a beaucoup motivée. Et j’ai donc continué.

Conseils sur l’utilisation du préservatif féminin. Female Condom

Peu de temps après, j’ai parlé dans une vidéo de l’éjaculation précoce. Et là, en très peu de temps j’ai eu un million de vues, puis deux millions. Ça n’arrêtait pas, j’étais stupéfaite.

Mon travail d’éducatrice de santé m’amène à aborder des sujets aussi divers que les premiers soins, les maladies chroniques, la santé dans la famille. Mais comme j’ai reçu des milliers de demandes pour évoquer les problématiques liées au sexe, je me suis davantage investie dans ce domaine.

« Beaucoup d’internautes que disaient que leur nuit de noce avait été une catastrophe »

 

J’ai par exemple reçu des milliers de messages d’internautes me demandant des conseils sur la nuit de noce. Beaucoup de se plaignaient et me disaient que ça avait été une catastrophe. Dans beaucoup de régions du monde arabe, la nuit de noces est un rituel au cours duquel la femme est censée perdre sa virginité. J’ai donc réalisé plusieurs vidéo où je leur conseille par exemple de se détendre, de prendre le temps de se connaître, de connaître le corps de l’autre. Je dis aussi de déculpabiliser les hommes et leur dire qu’ils ne sont pas obligés de passer à l’acte dès la première nuit. J’explique aux internautes qu’une mauvaise expérience peut conduire à des problèmes d’érection chez l’homme, ou des cas de vaginisme chez la femme.

J’ai également fait des vidéos sur le problème de l’excision qui est malheureusement assez répandue en Égypte, alors que c’est interdit par la loi. Mais la solution de la répression proposée par l’État a conduit des gens à pratiquer l’excision en cachette. Pour ma part, je parie sur l’éducation, en expliquant de manière scientifique comment cela gâche la vie sexuelle d’une femme et parfois même met sa vie en danger.

« En Égypte par exemple, beaucoup considèrent le sexe comme honteux »

Si je reçois beaucoup de demandes autour de la sexualité, c’est bien évidemment parce que dans ces pays le sujet est tabou. En Égypte, par exemple, beaucoup considèrent le sexe comme honteux, presque comme un crime. Beaucoup d’hommes ne connaissent la sexualité qu’à travers du porno. Or je leur explique que ce sont des acteurs qui jouent la comédie et que dans la vie réelle le sexe ne se pratique pas de la même manière.

Mes vidéos sont très suivies en Égypte, au Maroc et même Arabie saoudite. Mais cela ne veut pas dire que je suis toujours la bienvenue dans ces pays. En mars dernier, j’ai étéinvitée par une chaîne saoudienne à participer à un débat en duplex à l’occasion de la journée de la femme. Le sujet ne concernait pas du tout la sexualité, je devais uniquement parler de la participation de la femme dans la vie politique. Pourtant, j’ai été violemment attaquée sur les réseaux sociaux. J’ai reçu des milliers de messages d’insultes sur Twitter. Un internaute a même dit que le symbole féminin qui apparaît sur mon site était le signe des francs-maçons. La chaîne saoudienne a été obligée de supprimer l’émission de son site Internet après cet incident.

« Le sexe est une belle chose et qu’il ne faut pas avoir honte d’en parler »

Même si je cherche à changer les mentalités autour de sexualité dans le monde arabe, je ne cherche jamais à casser les traditions locales. Par exemple, je ne conseille jamais aux gens d’avoir des relations sexuelles avant ou en dehors du mariage. Je cherche juste à transmettre le message selon lequel le sexe est une belle chose et qu’il ne faut avoir honte d’en parler et de le pratiquer.

 Par  Aliaa Gad
 Source :  Observer France 24

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