Les femmes « coupées » sont reconstruites à Marseille

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Depuis dix ans, une équipe de la maternité de La Conception soigne et conseille les victimes de ces graves mutilations sexuelles.

J’avais 12 ans et ma soeur 10. Comme tous les étés, nous rendions visite à nos grands-parents dans notre village, à 15 km de Bamako. Je ne soupçonnais rien. Ma tante m’a appelée dans la salle d’eau. Plusieurs femmes se sont jetées sur moi, m’ont attrapée et allongée. Elles m’ont écarté les jambes. Je criais, je n’ai pas vu le couteau. Il y a eu beaucoup de sang. On me disait : Faut pas pleurer. C’est la honte quand tu pleures. Tu es une femme. Ce qu’on te fait là, ce n’est rien. »

Ce qui a été fait, il y a dix ans, à cette Marseillaise d’origine malienne, s’appelle une excision : l’ablation complète ou partielle du clitoris. Un acte considéré comme une torture par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, ce crime est passible de 15 ans de prison, 20 ans si le coupable est un ascendant.

Dans ce pays pourtant, 53 000 petites filles seraient excisées chaque année, malgré l’interdiction de ces pratiques coutumières ancestrales, essentiellement pratiquées en Afrique péri-saharienne et dans certaines régions d’Asie. Certaines subissent le calvaire de l’infibulation : une suture de la majeure partie des grandes ou des petites lèvres de la vulve, ne laissant qu’une petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler.

À la maternité de La Conception (AP-HM), depuis dix ans, une équipe médico-chirurgicale s’est organisée pour prendre en charge les femmes victimes de telles mutilations. « En général, on le découvre lors des examens pratiqués lors d’une grossesse ou pour un suivi gynécologique », explique Françoise Courtoisier, sage-femme coordinatrice de cette permanence d’accueil, de soutien et d’information qui travaille en étroite collaboration avec l’Union des femmes du monde GAMS-Sud, présidée par la comédienne Naky Sy Savane (lire ci-dessous).

Chaque année, à la maternité, une dizaine de femmes sont concernées (une centaine depuis 2007) : « Certaines découvrent ici qu’elles ont été mutilées, car de plus en plus fréquemment, l’excision est pratiquée chez des tout petits bébés, à l’aide d’une épingle. D’autres ont été mutilées à l’adolescence, lors d’un rite de passage dont elles gardent un souvenir traumatisant. »

Des complications des années plus tard

Si, dans la plupart des cas, les petites filles sont conduites dans leur pays d’origine (Mali, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire…) pour y subir cette mutilation, il arrive que certaines « interventions » soient réalisées en France, dans des environnements communautaires refermés sur eux-mêmes. « Des exciseuses bien connues officient aussi dans certains pays d’Europe, comme l’Angleterre ou l’Allemagne, où la vigilance sur ce problème est moindre », précise Naky Sy Savane.

« Cette coutume ancestrale, qui n’a rien à voir avec une religion, est un tabou qui se perpétue entre femmes. Beaucoup n’ont même pas conscience que la barbarie qu’on leur a fait subir n’est pas normale », poursuit Françoise Courtoisier.

D’un point de vue médical pourtant, les conséquences de ces mutilations sexuelles sont souvent dramatiques. Le geste est mortel dans 10 % des cas (infections, hémorragie, choc dû à la douleur). Psychologiquement, il entraîne des stress post-traumatiques. Si elle survit, la victime souffrira de problèmes urinaires, de déchirures et de complications lors de ses accouchements. « On n’imagine pas tout ce qui peut être infligé aux femmes, comme des brûlures du vagin, les piqûres, la pose d’aiguilles en travers… »

À La Conception, le Pr Aubert Agostini et le Dr Emmanuelle Cohen-Solal proposent des solutions chirurgicales de reconstruction. Mais avant d’en arriver là, c’est un travail délicat de changement des mentalités qui est mené, au cas par cas, auprès des femmes et de leurs proches. « La réponse est à la fois médicale, psychologique et socioculturelles, afin que ces femmes ne soient plus seules. Et surtout qu’elles ne se sentent pas jugées. »

Et pour l’équipe de La Conception, il y a une priorité : « Briser le tabou pour que les filles de ces femmes ne subissent pas les mêmes atrocités. »

À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’excision, un événement se tient aujourd’hui dans la cité phocéenne. De 10 h à 17 h, ce sera « Zéro tolérance contre l’excision à Marseille », avec des films, des témoignages, des informations pratiques et des débats au Théâtre Toursky : 16, passage Léo-Ferré (3e).

Laprovence.com, par Mariama Kobar, le 08/02/2017

4 réponses sur « Les femmes « coupées » sont reconstruites à Marseille »

Bonjour, je suis membre d’une ONG: le Soroptimist International. Mon club est celui de Lille Métropole. Faut il comprendre que le nombre de femmes et fillettes mutilées sur le sol français est de 53.000 ?
Des chirurgiens ou des médecins pratiqueraient ce massacre en France ?
Rumeur ou réalité ? J’aimerais connaître les « vrais » chiffres.
Merci de me renseigner. Dominique Frère Brouwers

Bonjour
Je m’appelle Marina Ugarte, je suis en 1ère ES et j’étudie au Lycée Français de Madrid. Pour cette année, on a choisi le sujet: Les mutilations génitales des femmes africaines et la suivante problématique: Comment la femme africaine se situe-t-elle entre le poids de la communauté et son individualité? je me demandais si vous pourriez répondre à quelques questions ou me faciliter des informations, afin d’approfondir notre travail.

Veuillez agréer, Madame, mes salutations distinguées.

Marina Ugarte

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