Un lieu ressource pour (et par) les femmes victimes d’excision à Bordeaux

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La journaliste Eloïse Bajou nous présente à travers cet article une jeune association bordelaise, « Les Orchidées rouges » qui accompagne depuis 2017 les femmes et enfants victimes d’excision et ou de mariages forcés. Publié le 9 Septembre 2020 sur Rue89bordeaux.com.

Revivre après une mutilation génitale, Kakpotia Marie-Claire Moraldo l’a fait. Battante et créative, elle transmet son expérience au Centre d’accompagnement et de soins qu’elle a inauguré ce lundi, à Bordeaux.

 

Il faut pousser l’immense porte d’un immeuble cossu du quartier Saint-Seurin pour le trouver. C’est là, niché dans de lumineux locaux de la rue Thiac, que l’association bordelaise Les Orchidées Rouges inaugurait lundi son premier centre.

Depuis 2017, l’association bordelaise accompagne en effet des femmes et des enfants victimes d’excision, d’infibulation ou de mariage forcé. Initiée par Kakpotia Marie-Claire Moraldo, Franco-ivoirienne elle-même victime de mutilations à l’âge de 9 ans, l’ouverture de ce centre régional marque donc pour Les Orchidées rouges une nouvelle étape.

« Récupérer ce bout de moi »

Une tradition de mutilation des femmes aux 4 coins du globe

L’excision est pratiquée en Afrique (Mali, Sénégal, Mauritanie, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Conakry, Sierra Leone, Tchad, Nigeria, Éthiopie, Somalie) , au Moyen–Orient et dans certains pays d’Asie (Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Inde, Pakistan). On la retrouve également en Amérique du Sud (Colombie, Pérou). Dans certaines régions le pourcentage de femmes mutilées avoisine 90 %. Pratique de femmes en Afrique de l’ouest, de médecins et de barbiers en Égypte (où les mutilations sexuelles féminines sont pourtant illégales depuis 2008) ou de cliniques privées à Moscou. Ce n’est pas une affaire de classe sociale, ni de religion. Aucun texte religieux que ce soit la Bible, la Thora ou le Coran ne mentionne l’excision. Mais cette tradition rituelle à l’origine floue, mêlant superstition (comme l’exil menstruel qui découle du tabou des règles) et prétextes hygiénistes perdure depuis plus de 2000 ans et touche les femmes de tous les milieux sociaux.

 

Sans détour, la pétillante militante nous raconte alors les origines de son combat, la mutilation qu’elle n’avait pas vu venir, l’excision pendant des vacances dans sa famille paternelle. Son entourage prétexte alors « une fête » à laquelle il faut se rendre. Placée avec d’autres fillettes dans la file d’attente devant une pièce, elle relate son incompréhension de les voir en sortir en pleurs…

« Je n’étais pas censée le vivre. Ma mère avait interdit cette pratique à mes tantes, bien que ce soit courant dans notre région. J’ai vécu avec le modèle de ma mère et ma grand-mère qui sont des battantes et qui ont ouvert leur propre commerce. Mon grand-père m’a toujours dit de me battre, de travailler à l’école, que mon travail devrait être mon premier mari… »

Ces modèles et son éducation seront autant de ressources face à ce qu’elle qualifie « d’amputation » et dans sa lutte contre le sentiment de culpabilité qui s’empare alors d’elle.

« J’avais le sentiment qu’il fallait que je récupère ce bout de moi que l’on m’avait enlevé, que je lutte contre un sentiment d’infériorité qui en a suivi. Et je me suis reconstruite, toute seule. »

Arrivée en France en 2007, et après une chirurgie réparatrice en 2016, Kakpotia Marie-Claire Moraldo prend conscience qu’il n’existe aucune structure d’accompagnement en Nouvelle-Aquitaine. Pour celle qui se destinait à une carrière commerciale, c’est le déclic. Et la jeune femme ne manque pas d’énergie pour expliquer ce qu’elle considère désormais comme sa « mission de vie » : la libération de la femme.

Le pouvoir des femmes

L’excision est destinée à contrôler la sexualité des filles et des femmes. Pratiquée aux quatre coins du globe et toujours présentée comme gage de pureté et de virginité, on excise pour priver les femmes de leur autonomie.

« Je me battrai tant qu’il faudra pour leur permettre de faire des choix qui correspondent à leurs aspirations profondes et ne pas vivre leur vie par procuration. Pour être libres ! Elles le méritent. »

 

La mission contre ces mutations génitales est complexe. Car au-delà du risque hémorragique, potentiellement mortel, les mutilations sexuelles exposent les femmes à certains problèmes de santé et à des difficultés dans leur vie sexuelle et affective. Elles encourent ainsi des douleurs chroniques, de possibles répercussions psycho-traumatiques d’un acte réalisé souvent sans anesthésie et de force, des risques d’infections, la diminution ou la disparition du plaisir lors des rapports sexuels, des complications lors de l’accouchement, etc. Mais aussi et plus que tout une altération de l’image de soi.

Une approche holistique et personnalisée

Si l’émancipation financière et l’insertion professionnelle fait évidement partie des préoccupations, la reconstruction psychologique des filles et des femmes dans la réappropriation de leur corps et dans le développement de leur pouvoir d’agir est ainsi la première des priorités dans le centre bordelais.

« Il est essentiel de tenir compte de la représentation que la femme a des violences qu’elle a vécu dans une démarche d’anthropologie médicale, poursuit Kakpotia Marie-Claire Moraldo. Toutes n’ont pas le même traumatisme. C’est le plus important. »

L’accompagnement est donc adapté à leurs demandes. La reconstruction chirurgicale peut ainsi être envisagée, en partenariat avec la Clinique Jean-Vilar de Bruges où le Dr Hamadou a été spécifiquement formé. Mais elle n’est ni systématique, ni considérée comme le seul levier de la reconstruction physique de soi.

« Pour que les femmes se réapproprient leur corps et leur sexualité, il faut sortir du mythe qu’elle ne peuvent plus avoir de plaisir. Parfois on prescrit des échographies du clitoris pour leur montrer. Et certaines sont libérées, rassurées quand elles peuvent visualiser que c’est le gland qui a été amputé et qu’il reste tout ça à l’intérieur.  »

Entre deux souvenirs de parcours de femmes qu’elle a connus, Kakpotia Marie-Claire Moraldo évoque aussi les clichés, la méconnaissance anatomique du corps féminin, les réticences auxquelles elle a du faire face, au départ, en tant que victime – « utile comme témoin mais non médecin »…

 

Une femme et des défis

De ce premier centre, la lauréate du Global Woman Award 2018 (décerné par la fondation Global Woman Peace) compte donc faire « tâche d’huile ». Consciente de la nécessité de développer l’acquisition de connaissances tenant compte des spécificités de chaque région et de chaque ethnie, elle veut œuvrer à la création d’un pole de recherche. Elle souhaiterait aussi favoriser autant que possible la formation des professionnels du secteur sanitaire et social de la justice ou encore de l’éducation sur ces questions.

« Il faut briser les tabous partout, axer sur la prévention et la sensibilisation dans les quartiers, auprès des travailleurs sociaux, des sages femmes… », énumère la jeune femme.

Autofinancée pendant deux ans, elle bénéficie désormais du soutien financier de fondations privées et de subventions de la Ville et de la Région. Prête à accueillir et à aider près de 300 femmes à retrouver leurs pouvoir d’agir, Les Orchidées Rouges ne devraient donc pas en finir de fleurir…

Estimation difficile

En France, lexcision et l’infibulation sont interdites par la loi du 4 avril 2006. La peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement (20 ans si mutilation sur une mineure de – de 15 ans) et 150 000 euros d’amende. En 2010 Santé publique France, estimait à près de 125 000 le nombre de femmes excisées vivant en France, un chiffre qui a doublé en 10 ans. Cette alerte avait conduit Marlène Schiappa à lancer un Plan national de lutte contre les mutilations sexuelles feminines, en juin 2019, visant à protéger les enfants qui vivent sur le territoire français des mutilations commises à l’étranger. Cette hausse s’expliquerait conjointement « par la féminisation de la population migrante en provenance de l’Afrique subsaharienne et par le vieillissement des “deuxièmes générations” » selon SPF. Mais en réalité, l’estimation est rendue difficile car cette tradition étant très souvent pratiqué au sein de la famille, la détection n’a lieu souvent qu’en cas problématiques de santé. On ne sait rien du nombre de femmes et de jeunes filles réelement concernées en France. D’après l’Unicef, 200 millions de femmes seraient excisées dans le monde, dont un quart de mineures de moins de 15 ans.

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