Les mois d’été enchaînent les célébrations de mariage. Si certains sont des mariages heureux, d’autres restent encore au Maroc, des mariages forcés. Comme dans tous ses combats, la vision de l’Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (INSAF) est de contribuer à l’avènement d’une société qui garantit à chaque femme et à chaque enfant le respect de leurs droits dans un environnement digne et responsable. L’association vient de diffuser son rapport sur le mariage précoce au Maroc à l’occasion de la 26e session du Conseil des droits de l’Homme, tenue à Genève. Un document qui comme le précise le président de l’Insaf, Omar El Kindi, «est parti comme des petits pains». Il rajoute que «nous avons, par ailleurs, noté que les interventions des ONG et de représentants d’Etat se basent sur les mêmes références normatives et contenaient des propositions qui convergent avec les nôtres».
Mettre un terme au mariage d’enfants, c’est mettre un terme à la violation de leurs droits, à la privation de leur éducation, mais c’est aussi prévenir leur santé et leur avenir. Ce débat a largement mobilisé l’opinion publique suite au suicide en 2012 d’Amina Filali, âgée de 15 ans, obligée d’épouser son violeur. Une pierre à l’édifice du combat pour l’abrogation du mariage précoce, sous toutes ses formes, a alors été posée grâce à l’abrogation de l’alinéa 2 de l’article 475-2 sur le mariage avec le violeur.
A mariage précoce, on entend l’union conjugale d’une fille ou d’un garçon avant l’âge de 18 ans. Ces unions représentent, en moyenne, depuis 2007, près de 11% du total des actes de mariage, avec une tendance à la hausse ces dernières années. Ces statistiques récemment publiées par le ministère de la Justice et des Libertés, pour la période 2004-2014, dans le cadre de la préparation de la réforme de la Moudawana, montrent également une augmentation du taux de demandes des mineurs en milieu urbain, amorcée en 2010, qui a abouti à une inversion en 2013, avec 48,21% des demandes dans le rural, contre 51,79% dans le milieu urbain.
Les conséquences graves du mariage des mineures ne sont plus à démontrer, porteuses d’incidences souvent irrémédiables sur leur santé physique et psychique, aggravées lors des grossesses. Le Maroc, lié aux Objectifs du Millénaire pour le développement, doit s’attaquer fermement au phénomène. En effet, les jeunes mariées, privées de formation et donc de revenus, restent un frein à la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim.
En promouvant l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, les adolescentes ont ainsi le choix de se marier ou non, leur conférant plus de confiance en elles-mêmes. C’est ainsi qu’une fois mariées, elles auront de meilleures chances de contrôler leur fécondité et ainsi, leur santé.
Le travail des centres d’écoute des associations marocaines, qui œuvrent à leurs droits, permet de mieux définir les néfastes conséquences du mariage précoce sur les filles, qui représentent 99% du total des demandes. En effet, ils étaient 92 garçons en 2013 concernés par le mariage précoce, contre 43.416 filles.
Le code de la famille a aligné ses législations sur la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée en 1993 par le Maroc. Cependant, il a laissé à la discrétion du juge la possibilité de dérogation pour le mariage en dessous de 18 ans. Avec 90% des demandes de mariage des mineures acceptées, force est de constater que ces dérogations octroyées s’opposent à la résolution du problème.
Rappelons enfin que l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, proclamée en 1948, stipule que «le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux».
Cartographie nuptiale (chiffres 2010 du HCP)
• Âge moyen du mariage des femmes : 26,6 ans
• Célibat à 50 ans : 6,7% chez les femmes et 5,8% chez les hommes
• Mariage entre cousins ou entre parents éloignés : 21%
• Mariage entre cousins germains : 15,5%
• Divorce pour les premiers mariages : 10%.
D’après : Stéphanie JACOB
– Source : http://www.leconomiste.com/article/956488-mariage-precocele-grand-chantier-societal