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Jeune Afrique | Par Aboubacar Dicko | Le 12/10/2017
Enfant, il a vu sa mère pratiquer l’excision à Koya, son village natal, dans la région de Koulikoro. Grand, il est devenu l’une des principales figures de la lutte contre cette mutilation sexuelle dans son pays. Portrait d’un homme qui a fait d’une question, considérée jusque-là comme exclusivement féminine, le combat de sa vie.
« J’étais jeune. Je me rappelle que dans un village voisin de Koulikoro, 33 filles de la même génération avaient été regroupés pour être excisés. Il y a eu deux décès. J’ai demandé des explications à ma mère qui m’a dit que ce sont des sacrifices pour les 31 autres restantes ». Quand Siaka Traoré, 50 ans, raconte cette histoire, il ne peut s’empêcher de fermer les yeux et s’arrêter de temps en temps pour digérer « la douleur qu’il a ressentie ce jour-là ».
Avant de poursuivre : « Pour ma maman, l’heure, c’est-à-dire très tôt le matin, qu’elle avait instruite à l’exciseuse de ce village voisin n’avait pas été respectée. Les sorciers ont ainsi eu le temps de se mêler à la pratique, d’où le sacrifice des deux filles ».
Prise de conscience
Siaka admet aujourd’hui qu’il croyait alors à ces explications entièrement basées sur la tradition, même si « c’était choquant ». A l’époque, sa mère, exciseuse elle-même, était souvent consultée par les villages voisins sur les jours propices pour procéder à la pratique.
Siaka Traoré vit avec ce souvenir jusqu’au début des années 1990, lorsqu’il reçoit un matin dans son magasin à Hamadallaye ACI, quartier d’affaires de Bamako, la visite de Suzanne McLaucas. Directrice de Healthy Tomorrow, une ONG basée à Boston aux USA, cette américaine est connue au Mali pour ses nombreuses activités contre l’excision.
« Je la voyais dans le quartier presque tous les jours sur son vélo avec des affiches », raconte-t-il. Ce jour-là, « elle m’a parlé de l’excision, de ses conséquences, des risques que les victimes encourent », poursuit Siaka Traoré. Ce dernier dit avoir tout de suite fait le lien entre ce qu’il venait d’entendre et la scène « atroce » qu’il a vécu quelques années plus tôt près de son village. Il ne s’agissait donc pas de « sacrifices », mais bien d’une pratique qui a mal tourné. « Elles sont mortes d’hémorragie. Elles ont été vidées de leur sang, voilà la vraie explication », se rend-il compte, révolté.
Des jeunes filles venues de la Guinée et du Burkina Faso
Voilà comment celui qui est aujourd’hui l’un des principaux contestataires de la pratique de l’excision au Mali s’est retrouvé dans la lutte. « Après mes échanges avec Suzanne, j’ai récupéré des affiches que j’ai mises devant ma porte, dans la rue et un peu partout », explique celui qui est désormais à la tête de l’ONG malienne Sini Sanuman («Pour un lendemain meilleur », en français).
Créée en 2002, l’ONG de droit malien regroupe 56 associations et est présente dans pratiquement tout le pays… Depuis, il a fermé sa boutique à Hamadallaye ACI pour devenir un agent de sensibilisation à temps plein…
« Je me rappelle de la fois où j’ai été forcé d’assister, à Bamako, à l’excision de 37 filles, dont treize expatriées venues de la Guinée et du Burkina, affirme-t-il. La famille organisatrice m’a expressément convoqué, me défiant d’aller la dénoncer. J’ai encore vu des petites enfants innocentes se tordre de douleurs. J’ai beaucoup pleuré ce jour-là », raconte ce père de quatre enfants, les yeux fermés et les mains serrées, le regard vers le ciel.
« C’est quelqu’un dont l’engagement n’a pas d’égal. Il ne s’est pas engagé parce qu’il avait pas d’emploi, il est profondément contre l’excision », témoigne un membre de son association. Un engagement qui lui coûte, également. Siaka Traoré affirme avoir fait l’objet de menaces de mort téléphoniques régulièrement depuis qu’il a amorcé son combat.
Je voudrais une loi pour les parents qui ne veulent pas que leurs filles soient excisées…
Et s’il est une chose que Siaka ne digère pas, c’est que des ressortissants de pays voisins où la pratique est interdite envoient leurs filles se faire exciser au Mali. En effet, dans le pays, si la pratique est interdite aux agents de santé et aux médecins, aucune loi ne l’interdit formellement. Flou juridique que Siaka Traoré impute à un manque de volonté politique.
« Je cherche une loi pour les parents qui ne veulent pas que leurs filles soient excisées et qui ne peuvent rien faire contre. Je voudrais qu’ils aient le moyen d’envoyer ceux qui la pratiquent en prison », explique-t-il.
Faible volonté politique
Aux côtés de Suzanne McLaucas, et fort de l’ONG qu’il préside, il tente de faire adopter une loi contre l’excision. Mais le duo se heurte à des réticences au sein même des acteurs de la lutte, qui refusent d’adhérer au « Pacte contre l’excision »que propose Sini Sanuman. La pétition, qui a déjà recueilli plus de 68 000 signatures, a pour vocation de faire levier pour saisir, une nouvelle fois, les autorités.
En 2007, l’ONG avait déjà saisi le président de l’Assemblée nationale avec 30 000 signatures, puis en 2010, l’ONG était revenue à la charge avec 50 000 signatures.
Aujourd’hui, Sini Sanuman, qui fonctionne grâce aux cotisations de ses membres et, surtout, au financement des partenaires tels que la Coopération belge, l’Unicef, le ministère allemand des Affaires étrangères et d’autres ONG partenaires. Sini Sanuman compte quatre centres dans tout le pays, dans lesquels elle assure la prise en charge, la formation et la réinsertion socio-économique de jeunes filles, dont certaines sont des victimes de l’excision.
L’ONG est parvenue à faire cesser l’excision dans environ 12 villages depuis sa création. Mais Siaka Traoré réussit quelque chose d’encore plus important à ses propres yeux : faire abandonner cette pratique à sa propre mère. « Dans mon village, je ne peux pas dire avec certitude qu’il n’y a plus d’excision, mais beaucoup de gens ont compris la dangerosité de cette pratique », soupire-t-il.
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