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France Info | Le 03/06/2018
La comédienne ivoirienne Naky Sy Savané est à l’affiche du film «Frontières». Révélée par «Bal Poussière» à la fin des années 80, elle est devenue une actrice dont le parcours raconte aussi celui du cinéma produit en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. Portrait de celle qui a trouvé dans la comédie le moyen de s’épanouir et de contribuer à l’épanouissement de ses congénères.
Naky Sy Savané. Depuis Bal Poussière du cinéaste ivoirien Henri Duparc, son premier grand film, elle est devenue un visage familier pour tous les cinéphiles africains (ou non d’ailleurs). De la co-épouse ingénieuse à la commerçante émérite qu’elle incarne dans Frontières d’Apolline Traoré, dans les salles françaises depuis le 23 mai 2018, elle a donné corps à la femme dans tous ses états. Au passage, elle s’est érigée en ambassadrice du patrimoine vestimentaire de l’Afrique de l’Ouest.
Quand on lui parle de la longévité d’une carrière ponctuée de nombreuses distinctions, un sourire se dessine sur ses lèvres bleues. «Ce n’est pas évident de commencer tôt et de s’inscrire dans la durée», constate Naky Sy Savané. Pourtant, dans son cas, elle peut dire que le défi a été amplement relevé.
En août 2017, lors de la dernière édition du Festival du film francophone d’Angoulême qui mettait en lumière le cinéma ivoirien, on aurait cru que c’était plutôt à elle que l’hommage était destiné. La comédienne ivoirienne figurait au casting de deux longs métrages (sur une dizaine) de la rétrospective. Sans compter qu’elle était également à l’affiche de Frontières, alors en compétition à Angoulême.
L’actrice, qui a choisi d’être sous les feux des projecteurs très tôt, s’est pourtant lancée dans la comédie sous le sceau du secret. Si elle a gardé le patronyme familial, l’artiste a néanmoins dû se trouver un pré(nom) de scène: Naky qui n’est autre que le diminutif du nom de sa mère. «Je suis la petite fille d’un imam. Il était hors de question de faire du cinéma. Néanmoins, j’ai toujours été sensible au dynamisme des femmes qui sont les piliers de nos familles. Je cherchais un métier qui ferait écho à cela et qui me permettrait aussi de défendre la cause des enfants». Elle pense (bizarrement) à la mécanique, puis à la médecine mais c’est la comédie qui va la choisir.
« J’ai eu l’impression de me dédoubler »
«Je passais mes vacances au village, à Odienné (nord de la Côte d’Ivoire). Après les travaux champêtres, la troupe théâtrale de mes grand-frères animait nos soirées. J’assistais a leurs répétitions mais je n’avais pas le droit de monter sur scène. Le jour de la représentation, la comédienne principale a fait une crise de paludisme. Je me suis proposée de la remplacer au pied levé mais mon offre a été rejetée. Mais face aux réclamations du public qui voulait voir un personnage féminin sur scène, et non pas des hommes déguisés en femmes, ils ont fini par faire appel à mes services (sourire)».
Quand elle monte sur scène Naky Sy Savané a comme une révélation. «J’ai eu l’impression de me dédoubler. Du haut de mes onze ans, j’ai compris que ma place était sur scène.» Quand elle revient à Abidjan, elle veut retrouver cette sensation nouvelle. Bientôt, tout en allant à l’école, elle se lance dans la comédie. «J’avais une double vie».
Très vite, l’adolescente se fait un nom dans le milieu du théâtre et est repérée par le metteur en scène Saïdou Bokoum qui va lui écrire des rôles sur mesure. Elle devient très vite la tête d’affiche de sa troupe. Se cacher de ses parents n’est plus vraiment possible d’autant que des spots de leur nouvelle pièce sont diffusés à la télévision. Et on l’y voit. Ses parents notent la ressemblance avec leur fille. Ils lui posent d’ailleurs la question et Naky Sy Savané de répondre: «Tout le monde me dit qu’elle me ressemble! (rires)»
« Quand on met un serpent au monde, on en fait une ceinture »
La supercherie ne durera pas longtemps. «Quand ils ont su, ça a été dur », se souvient la comédienne. «Une fois, je suis allée au marché avec mère et elle faisait l’objet de railleries. Ce à quoi elle a répondu: « Quand on met un serpent au monde, on en fait une ceinture » . Ces mots m’ont toujours habitée. Il fallait que je prouve à cette femme qu’elle avait eu raison de supporter toutes ces railleries.»
L’artiste suit sa vocation et le cinéma va bientôt lui tendre les bras. Sa rencontre avec le réalisateur ivoirien Henri Duparc va lancer sa carrière cinématographique. Il confie une belle partition à la jeune femme dans le film Bal Poussière, devenu un classique du cinéma ivoirien. «Saïdou Bokoum et lui se côtoyaient et chacun suivait le travail de l’autre. Henri Duparc m’a découverte au théâtre».
Après Henri Duparc, avec qui elle collaborera deux fois, elle travaillera avec les grands noms du cinéma ivoirien comme Roger Gnoan M’Bala (Au nom du Christ, Grand prix du Fespaco en 1992), et ceux de la sous-région, à l’instar du Burkinabé Idrissa Ouedraogo ou encore du Sénégalais Sembene Ousmane (Mooladé, prix Un Certain Regard en 2004). «Pour moi, le cinéma africain a toujours été une famille», affirme t-elle pour expliquer une filmographie transfrontalière inédite.
Une famille qui prospère avec l’émergence d’une nouvelle génération avec qui elle collabore déjà. A l’instar de la réalisatrice Burkinabé Apolline Traoré (Frontières). «C’est un talent à suivre parce qu’il fallait du courage pour porter un projet aussi difficile». L’admiration de Naky Sy Savané s’étend à tous les jeunes réalisateurs car elle estime qu’ «il n’y a aujourd’hui plus d’argent pour le cinéma», comparée à l’époque de ses débuts.
«J’ai foi en la relève. Cette nouvelle génération ne s’arrête pas à la question financière. Ils ont la rage au ventre et des choses à dire.» Ce besoin de faire des images, elle le comprend et il est à l’origine du Festival International du film des lacs et lagunes (Festilag) qu’elle a créé. Il se tient entre Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, et Grand-Bassam (sud du pays) et connaîtra sa septième édition en novembre 2018. La manifestation est devenue une façon de soutenir les plus jeunes mais l’évènement culturel est né de la volonté de contribuer à la production «de nos propres images». «Il faut qu’on arrive également à industrialiser notre cinéma. C’est à nous de créer les conditions qu’il faut pour développer notre septième art».
«Je rêve, poursuit Naky Sy Savané, que notre cinéma (ivoirien et africain en général) soit vu et se vende comme tous les autres. Dans mon pays, où il y a eu la guerre, le septième art a été un vecteur de réconciliation. Dans le cadre du Festilag, nous avons projeté des films et cela a été de vrais moments de partage. Des gens, qui s’étaient entre-déchirés pendant le conflit ivoirien, ont salué cette nouvelle initiative. La Côte d’Ivoire a toujours été un pays très cinéphile. Je suis une femme, j’ai des enfants : je ne veux pas qu’ils vivent ce que nous avons vécu. Pour éviter cela, l’art est mon outil.»
A Marseille, où elle s’est installée depuis une quinzaine d’années à cause des évènements politiques qui ont endeuillé son pays, la bataille de Naky Sy Savané est également artistique. La cité phocéenne abrite une structure théâtrale dont elle est à l’origine. «Je me suis très vite rendue compte que les acteurs comme moi ne travaillaient pas ici. Alors j’ai décidé de me donner du travail en créant l’Afriki Djigui Theatri. C’est un refuge pour toutes les minorités afin qu’elles créent et montrent leurs œuvres. Mais le théâtre reste ouvert à tous.» Et, souligne-t-elle, «c’est important pour un comédien de faire du théâtre car on est obligé d’être toujours dans le vrai».
« J’ai commencé à faire du social et c’est ainsi qu’est arrivé le combat féministe »
A la ville, Naky Sy Savané essaie toujours d’être dans le vrai. Car dans sa vie, il y a le cinéma mais aussi la cause des femmes. Fidèle à son idée de départ, ses premiers cachets sont allés à des œuvres sociales par le biais de sa mère. «J’ai commencé à faire du social et c’est ainsi qu’est arrivé le combat féministe. Je me suis engagée en Afrique, aujourd’hui en France. J’ai intégré le mouvement féministe européen et je me suis consacrée à la lutte contre les violences liées aux traditions, comme l’excision (elle a créé l’association Union des femmes du monde – Gams Sud). Ce qui m’a permis de faire bouger les choses au niveau de Marseille. Aujourd‘hui, il y a des permanences dans les hôpitaux marseillais. Les femmes sont prises en charge et nous travaillons de concert avec des spécialistes. Ce sont des combats que nous devons porter.»
Pour Naky Sy Savané, qui a tenu la promesse de ses débuts, son militantisme lui «permet de (se) remettre en cause, notamment quand on fait du cinéma, car c’est un autre monde». L’artiste ne reste jamais dans sa bulle, surtout si des femmes et des jeunes sont à proximité. La lumière du cinéma lui sert, comme elle a toujours souhaité, à éclairer ce qui est vraiment important.
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