RTBF | Par Christian Rousseau | Le 04/05/2021
Carole Martinez, sexologue, décode le Kama-sutra. Le saviez-vous ? A l’origine, il était d’abord un guide sur les bonnes manières à suivre par la partie aisée de la population en Inde brahmanique : les nâgarakas.
Ce n’était donc pas un livre destiné à tout le monde. Seule 1% de la population y avait accès.
Il a été écrit entre le 3e et le 4e siècle par Vātsyāyana est un auteur et religieux de l’Inde médiévale. Son but c’était de rendre accessible des ouvrages sur l’amour, le désir et la vie autour. Et donc Kama signifie le plaisir et Sutra versets.
Les illustrations n’apparaissent qu’au 16e siècle
Toutes les jolies illustrations, n’apparaissent qu’au 16e siècle, notamment pour un empereur mongol illettré qui s’y intéressait.
Si on décortique le livre, on se rend compte qu’il est composé de 7 parties différentes dont une seule est consacrée au sexe.
Les 6 autres traites du mariage, du plaisir, des rapports entre hommes et femmes. Le but était de donner des conseils aux couples pour atteindre une certaine harmonie mentale et physique.
Ça commence directement assez bien puisqu’on va leur dire :
Voilà vous êtes un jeune Nâgaraka, vous êtes polygames, riche et toute la vie sociale doit être consacrée aux plaisirs mais pas n’importe comment.
Il y avait des lois, des codes, des règles pour vivre cette vie de plaisir. Tout y est minutieusement décrit, du mariage à la grossesse en passant par les différents problèmes du couple. L’organisation de la vie domestique aussi. La séduction y est évidemment abordée.
Elle passe notamment par la nourriture, la musique, le parfum et même les philtres d’amour. On y explique à un jeune homme comment faire le rendez-vous parfait pour son épouse et comment le faire.
Kama-sutra : la partie croustillante
La deuxième partie parle de sexe, avec la description de positions qui ont des noms assez originaux et qui sont plus ou moins difficiles à réaliser mais il faut garder à l’esprit que chacune des positions est une performance, une danse des corps.
Frederic Boyer, auteur de « Kamasutra exactement comme un cheval fou », donne son avis sur la question et pense que c’est plutôt une partie parodique. Soyons clairs, si vous avez l’occasion de trouver la position appelée « le pépiement du moineau » et que vous y voyez un lien avec un pépiement ou un moineau, vous êtes très imaginatifs.
On y enseigne à l’homme l’importance de ne pas s’en tenir à l’acte sexuel en lui-même. Il doit maîtriser l’art du baiser, des caresses et même des morsures ou des griffures.
La femme, y est représentée comme puissante et libérée sexuellement. On lui explique aussi comment prendre du plaisir ou même tromper son mari.
Point super important, ses désirs et son consentement doivent être respectés. Le Kâmasûtra interdit le mariage forcé et prône l’union intellectuelle avant l’union charnelle.
Ce qui est assez paradoxal, c’est une grande place est donné aux femmes, y compris les courtisanes en leur disant de se battre pour gagner leur vie, de ne pas se laisser dominer par les hommes alors que la société de l’époque reste très patriarcale. Pour vous donner une idée, une femme peut être tuée pour un adultère alors qu’un homme non.
C’est donc, un des seuls, si pas le seul ouvrage médiéval qui donne la parole et une place aux femmes.
L’homosexualité aussi y est abordée, elle est appelée le troisième sexe. La bisexualité aussi tout comme la transidentité.
Ce n’est qu’en 1883 que Richard Burton diffusera le Kâmasûtra mais il sera interdit vu qu’il est contraire à la morale. Il n’est de nouveau autorisé qu’en 1963.