Journée de l’enfant africain – La prégnance des pratiques sociales et culturelles, l’exemple du Sénégal

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Chaque année, un grand nombre d’enfants au Sénégal sont victimes de pratiques sociales et culturelles néfastes, perpétrées le plus souvent par leurs parents.

Pour nombres d’enfants au Sénégal, la vie est un calvaire interminable. Un combat sans répit. Ils sont astreints à des pratiques dommageables qui ont, la plupart du temps, un ancrage culturel profond. Mariage précoce ou forcé, excision, abandon, manque d’éducation, travail, malnutrition, négligence, exposent les enfants à une vulnérabilité innommable. Ces pratiques sociales négatives sont passées en revue à l’occasion de la Journée de l’enfant africain, organisée le 16 juin dernier. Cette célébration, en souvenir du massacre de centaines d’enfants lors d’une marche pour leurs droits à Soweto (Afrique du Sud) par le pouvoir de l’apartheid, le 16 juin 1976, est toujours une occasion de s’interroger sur la condition de l’enfant.

L’un des facteurs bloquants de la protection des droits de l’enfant au Sénégal est sans doute le mariage précoce, qui est le plus souvent forcé. « 1720 femmes meurent chaque année au Sénégal en donnant la vie, soit 5 décès par jour », a révélé, Fatou Kiné Camara, Secrétaire générale adjointe de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs), lors d’une session d’information en prélude à la célébration de la 23ème Journée de l’enfant africain (Jea), le 16 juin, dont le thème est « Eliminer les pratiques sociales et culturelles néfastes affectant les enfants : notre responsabilité collective ». Selon la juriste, qui appelle à plus de réflexion sur les problèmes auxquels cette couche est confrontée, ce sont les jeunes femmes de moins de 20 ans qui sont les plus grandes victimes de ces problèmes d’accouchement. « Au Sénégal, c’est une hécatombe de voir plus de 1000 jeunes femmes perdre la vie en donnant la vie », s’est-elle indignée. Avant d’ajouter : « les décès maternels sont catastrophiques ». Elle a fait savoir que les mariages précoces touchent les filles âgées entre 7 et 14 ans au Sénégal et que 9 % d’entre elles sont mariées en milieu urbain et le reste en milieu rural. « La majorité des mariages dans ce pays concerne des enfants », a expliqué la Sg adjointe de l’Ajs. Toujours selon la juriste, malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation et d’information menées par l’Etat du Sénégal sur la protection des droits de l’enfant, certaines pratiques sociales et culturelles néfastes, telles que les châtiments corporels, la mendicité, le confiage et le mariage précoce, persistent. Elle ajoute que l’Afrique subsaharienne a le taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde.

L’EXCISION

Le chef de la Direction des droits, de la protection de l’enfance et des groupes vulnérables (DDPEVG), Niokhobaye Diouf, a révélé que l’excision n’a connu qu’une légère baisse, d’après les résultats de l’Enquête démographique et de santé (Eds)/Mics couvrant la période 2005-2011. Le document montre que 26 % des femmes au Sénégal ont été victimes de l’excision en 2010, contre 28 % en 2005, soit une diminution de 2 %. Selon lui, la célébration de la Journée de l’enfance africaine (Jea) est une occasion pour le gouvernement du Sénégal, de renouveler sa politique sur cette couche. « Cette commémoration a pour vocation de permettre à ceux qui s’occupent du bien-être des enfants de se concentrer sur le travail de tous les acteurs dévoués aux droits de l’enfant, de consolider leurs efforts et de lever les obstacles à la réalisation des droits de l’enfant au Sénégal. Mais aussi de faire le diagnostic de tous les maux dont souffre cette couche vulnérable dans ce pays et de s’efforcer de bâtir un monde meilleur, plus sûr et plus paisible pour tous les enfants », a-t-il fait savoir. Selon ce dernier, il s’agit non seulement de l’excision et du mariage précoce ou forcé, mais aussi de toutes les pratiques coutumières en lien avec la maltraitance des enfants. Nombreux sont les partisans qui justifient l’excision par le fait que c’est la coutume. Ils se basent sur leur ancrage culturel pour justifier cette pratique, alors que celle-ci est néfaste pour les enfants. « Il faut davantage expliquer aux populations que cette pratique est une violation fondamentale des droits des filles » et, par voie de conséquence, la décourager », indique M. Diouf.

Le Sénégal traîne les pieds

Le gouvernement du Sénégal a ratifié la convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1989. Mais, il n’a pas réaffirmé ses engagements en vue de les concrétiser. En matière de protection des droits de l’enfant, le Sénégal serait un pays de paradoxes. En effet, l’application des textes en matière de protection des enfants fait toujours défaut. « Notre pays ratifie sans réserve toutes les conventions internationales relatives à la protection des droits de l’enfant, mais il ne les applique pas », s’indigne Seynabou Ndiaye Diakhaté, juge à l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et ancienne procureur de la région de Thiès. A l’en croire, toutes les dispositions relatives au respect des droits de l’enfant existent dans l’arsenal juridique sénégalais. Et de dénoncer la non application par le Sénégal des Conventions internationales relatives à la protection des droits de l’enfant. Le manque d’harmonie, selon Fatou Kiné Camara, plombe tous les efforts menés au plan juridique dans la lutte pour le respect des droits de l’enfant, dans notre pays. « Cette situation précaire et honteuse à l’endroit des enfants découle d’un manque de volonté politique de la part des gouvernants », déclare-t-elle.

Le chef de la section Protection de l’enfant Unicef, Jean Liéby, a informé qu’une révision du code pénal et du code de procédure pénale est en cours. Selon lui, la révision va changer le quotidien des enfants et des femmes au Sénégal. « Ces pratiques ne doivent plus être d’actualité en ce 21ème siècle », dit-il.

Le Sg du Ministère de la Femme, de l’Enfance et de l’Entreprenariat féminin, Ibrahima Diouck ; Ibrahima Giroux, psychologue à l’Ong TOSTAN ; et Thierno Sagna, psychothérapeute à « Keur Xaleyi », souhaitent une large sensibilisation pour une meilleure prise en charge des droits de l’enfant. « Il faut favoriser les échanges, afin d’aboutir à un consensus national pour l’abandon de ces pratiques sociales et culturelles néfastes et ancestrales qui affectent les enfants », s’accordent-ils à dire.

Pape Mayoro NDIAYE

(Stagiaire)

Source http://www.lagazette.sn/spip.php?article4601

La Gazette du Pays et du Monde – Sénégal – mardi 25 juin 2013

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