Plus Belle La Vie, le feuilleton… version Sénégal

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Diasporas.fr | Par Amadou Ndiaye

 

Yoff, village traditionnel, fief des Lébou, peuple de pêcheurs autochtones de Dakar, il est 11 heures. L’air frais en provenance de l’océan soulage les visages des assauts d’un soleil de plomb. Au détour d’une des ruelles étroites du village, le quartier Ratanga s’impose avec un décor joyeux. Par ici se déroule le tournage du feuilleton C’est la vie, nouvelle série télé panafricaine, première du genre en Afrique de l’Ouest et du Centre, entièrement produite dans le continent. La célèbre scénariste ivoirienne de bandes dessinées Marguerite Abouet (Aya de Yopougon, Gallimard) et le réalisateur et scénariste Charli Beleteau (Plus belle la vie, sur France 3, depuis 2004) en sont les auteurs.

Ratanga est un quartier créé de toute pièce pour servir de site de tournage à la série, dont la première saison a été diffusée sur Canal+Afrique en 2015 et sur TV5 Monde Afrique en 2016. Un quartier ordinaire qui dispose en son sein d’un poste de police, d’un restaurant dénommé Le Maquis, lieu de rencontre privilégié après le tournage, d’une boutique d’alimentation générale, d’un salon de coiffure, d’un magasin d’habillement, de quelques bureaux, d’une bibliothèque et, enfin, d’un centre de santé.

« Pour la deuxième saison, nous avons voulu rapprocher le décor pour avoir un gain de temps et d’argent puisque nous tournions l’année dernière entre Yoff et le quartier Fann Hock », chuchote la directrice de production, Yacine Ndiaye, qui s’empresse de regagner sa place pour le tournage de la première séquence du 32e épisode. Le silence se fait, qui laisse dérouler sous les projecteurs et caméras la scène d’une femme se tordant de douleur et gémissant en arrivant au centre de santé. Elle est accueillie très vite par médecins et infirmiers qui s’affairent autour d’elle. Diagnostic : accouchement prématuré en vue.

Prise de conscience collective

Les difficultés liées à l’accès aux informations vitales sur le continent africain sont à l’origine d’un concept qui allie divertissement, humour et réalisme. La série s’est fixée comme premier objectif de sensibiliser un large public sur des sujets tels que la santé maternelle et infantile, les mariages et les grossesses précoces, la contraception, la santé sexuelle des jeunes, les violences de genre, les droits des patients, etc. « Il s’agit de voir comment une fille ou un garçon peuvent s’émanciper individuellement sans pour autant s’émanciper de la société. Autrement dit, être soi-même sans renier sa société », explique Alexandre Rideau, l’un des producteurs de la série.

Le feuilleton C’est la vie déroule donc l’histoire d’un centre de santé qui essaie de gérer les difficultés du quotidien pour apporter soins aux habitants du quartier de Ratanga, où l’existence balance entre joies et malheurs, travail et vie familiale.

Dans la première saison, la mort tragique d’une jeune fille de 15 ans après un avortement clandestin a mis au jour les dysfonctionnements du système de santé et bouleverse tout le quartier. Le drame incitera à une prise de conscience collective.

Destins de femmes

La série s’articule autour de quatre femmes qui catalysent les réalités africaines. D’abord, Assitan, qui personnifie la sage-femme modèle et accueille avec professionnalisme les patients en les réconfortant. Assitan est gentille, affiche un sourire contagieux, c’est le modèle de sage-femme dont rêvent toutes les femmes qui arrivent à la maternité.

Korsa, l’autre sage-femme, symbolise tout le contraire. Aux femmes en travail, elle jette des piques du genre : « Arrêtez de crier ! Lorsque vous prépariez ce bébé vous gémissiez de plaisir, il faut assumer maintenant ! » Elle connaît bien son métier mais n’hésite pas rudoyer ses patientes.

« La manière dont Korsa traite les femmes qui viennent accoucher est une réalité dans plusieurs hôpitaux du continent. Certaines sages-femmes brutalisent bien souvent les patientes au lieu de les réconforter », témoigne Ricardine Mougoué, chef de service et chirurgienne au Centre de santé de Ratanga.

La troisième figure de proue de la série est incarnée par Magar, une felle femme qui traîne son mari « vilain », éternel dragueur qui ne cesse de la tabasser. Un jour, le mari – Touli – l’embarque de force avec ses trois filles au village. L’une d’elles y décédera après avoir subi une excision, forcée par sa tante Rokoba. Bouleversée, Magar s’emploie à reprendre sa vie en main.

Enfin, il y a Emadé, qui incarne une jeune fille tranquille qui fréquentait l’école primaire de son village avant de voir sa vie basculer. Elle a été mariée alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Le domicile conjugal où elle évolue est le lieu où règne une belle-mère tyrannique qui maintient une terrible emprise sur son fils. Une belle-mère qui ira jusqu’à imposer un second mariage à son fils. Emadé, qui a déjà des enfants, quitte la maison et reprend le chemin de l’école.

Plus de 100 millions de téléspectateurs

Près de 75 % du financement de la série provient du Fonds français Muskoka (partenaire du Monde Afrique) qui vise la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Les 25 % restant ont été financés par A +, CFI et TV5 Monde. La diffusion de la série se fait en français et en anglais et atteint 44 pays d’Afrique subsaharienne avec une audience de plus de 100 millions de téléspectateurs potentiels, se félicite Alexandre Rideau.

Lire aussi : La santé des femmes africaines au cœur de la politique française de développement

Pour atteindre un public plus large et amorcer réflexions et débats, une campagne médiatique autour de la série est en cours avec le développement d’outils tels des guides de discussions communautaires, un site Internet, des web stories et des jeux intelligents en multimédia.

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