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Chef de la maternité de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), cette gynécologue obstétricienne fait sienne la lutte contre les violences sexuelles. Elle a inauguré, en juillet, une « maison des femmes ».
Crinière de lionne, yeux bleus lumineux, Ghada Hatem-Gantzer, 56 ans, ne passe pas inaperçue. Sans jamais se départir de sa chaleur et de son franc-parler, la chef de la maternité de l’hôpital Delafontaine (Saint-Denis) se meut avec aisance d’un rendez-vous à un autre.
Elle est débordée, épuisée, mais ne veut pas le montrer. Alors elle écarte d’un geste de la main son téléphone qui n’arrête jamais de vibrer. Et raconte, inlassablement, l’histoire de ces femmes meurtries qui viennent chaque jour frapper à sa porte. Des patientes de toutes les nationalités, violées, mariées de force, ou encore excisées, qui ont fui leur pays en espérant avoir une meilleure vie en France. « Mais personne ne s’occupe d’elles, elles ne sont pas plus protégées ici », affirme-t-elle.
Imaginer un lieu pour les femmes blessées
Ce constat n’est pas parti d’un engagement militant. La gynécologue obstétricienne ne se considère pas non plus comme une « féministe vent debout ». Mais, à force de côtoyer des femmes excisées – qui représentent de 14 à 16 % des 4 000 parturientes de sa maternité –, elle a décidé de prendre le problème à bras-le-corps.
D’abord, il y a un an, elle a créé au sein de l’hôpital une cellule dédiée à la réparation des mutilations sexuelles. Puis elle a mûri le projet d’ouvrir une « maison des femmes » pour toutes les victimes de violences sexuelles. Un lieu de vie coloré, en périphérie de l’hôpital, où chacune peut être écoutée et soignée.
Inaugurée en juillet, cette structure atypique mêle médecins, travailleurs sociaux, psychologues, juristes, sexologues et conseillers conjugaux. Des professions complémentaires pour réparer aussi bien physiquement que psychiquement ces femmes, en prenant en compte leur histoire et leurs traumatismes. « La mission de l’hôpital peut avoir un pan psychologique et éducatif s’il est dans une zone qui en a besoin. Il doit s’adapter à la population et non l’inverse », insiste Ghada Hatem à son équipe.
Convaincre sans relâche
Le chemin n’aura pas été de tout repos avant que le projet voie le jour. Trois années durant lesquelles Ghada Hatem s’est échinée à convaincre du bien-fondé de son dispositif et à trouver des financements. Aujourd’hui encore, elle utilise tout son temps libre pour organiser des événements philanthropiques ou pour rencontrer les fondations, car il lui reste 100 000 € à rembourser.
Dotée d’une énergie incroyable, la femme-caméléon passe de l’univers philanthropique aux « consultations mutilations » sans transition. « Je viens du Liban, je suis hyperadaptable, on peut me jeter partout ! », sourit-elle.
Issue de la bourgeoisie chrétienne maronite, elle a été propulsée en France à ses 18 ans, à la fois pour fuir la guerre et pour suivre des études de médecine. Ce passé l’a marquée à vie. « Je sais ce que c’est d’être déraciné, de craindre sans cesse pour sa vie ou celle de ses proches. J’avais 6 ans quand la guerre des Six Jours a eu lieu. Cela vous fait prendre conscience d’un coup de la brièveté du temps. »
Améliorer sans cesse ce qui peut l’être
Son premier stage en obstétrique est une révélation. « J’ai vu mon premier accouchement et je me suis dit : “Alors c’est ça ?” Chaque naissance est magique, quelque chose commence », assure-t-elle. C’est décidé : elle sera gynécologue obstétricienne. Depuis, il n’y a pas un lieu dans lequel elle ait travaillé sans laisser sa trace. Partout, elle ressent le besoin d’améliorer ce qui peut l’être.
Un trait de caractère qu’elle tient de son père, ancien ingénieur passionné de poésie. « Il avait la tête dans les nuages, il m’a appris à penser par moi-même et à tout remettre en cause », confie-t-elle. À l’hôpital militaire Bégin de Saint-Mandé (Val-de-Marne), par exemple, elle est parvenue à faire entrer les papas dans les salles d’accouchement.
Elle a aussi fait bouger les lignes dans la grosse machinerie de Saint-Denis. Non seulement avec la maison des femmes, mais aussi en instaurant une formation systématique de l’équipe médicale au dépistage des femmes battues. Certains, avec un brin de jalousie, la traitent de « bulldozer ». Elle le reconnaît : elle ne lâche rien et veut du « résultat ». « Je suis comme une petite termite qui creuse son trou. Si on ferme la porte, je passe par la fenêtre, s’il n’y a pas d’argent, je n’hésite pas à faire la manche », clame-t-elle. Quels que soient les cas difficiles qu’elle rencontre, le sentiment d’apporter « un petit grain » à la cause l’aide à tenir.
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Son inspiration : le professeur Jacques Chavinié
« Le professeur Jacques Chavinié est l’un des médecins dont l’exemple d’humanité m’a le plus inspirée. Il était le chef de la maternité de Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, quand j’y étais interne. Il m’a tout montré de l’approche à avoir avec les patients et m’a appris à faire passer leurs besoins avant le système en lui-même. Même lorsque j’ai fini par quitter l’établissement, nous sommes toujours restés liés. Il est mort d’une rupture d’anévrisme en 2004, peu après avoir pris sa retraite. Un peu comme s’il n’était pas envisageable pour lui de vivre sans travailler. Il est tout un symbole pour moi. »
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