Violences faites aux femmes: l’ONU promeut #HearMeToo #Ecoutez-moi aussi #GAMS

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Encouragée par le mouvement MeToo qui a donné lieu à une libération de la parole des femmes victimes de harcèlement sexuel, l’ONU lance une campagne de sensibilisation un peu différente à l’occasion de la Journée mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes du 25 novembre. Cette campagne va durer seize jours avec pour signe distinctif le mot-dièse #HearMeToo (#EcoutezMoiAussi) sur les réseaux sociaux.

Sans jouer sur les mots, les atteintes aux droits de l’homme les plus répandues à travers le monde sont les atteintes aux droits des femmes, et plus précisément les violences à l’égard des femmes, lesquelles violences peuvent s’exercer sous des formes très variées mais se produisent dans tous les milieux et dans tous les pays, à des degrés certes divers (v. encadré en fin d’article). Comme chaque année depuis sa création par l’ONU en 1999, ce jour du 25 novembre marque la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Précisons à toutes fins utiles que cette date du 25 novembre n’a pas été choisie par référence à la désuète et connotée Sainte Catherine – en France, dans un passé pas si lointain, cette date était l’occasion, pour les femmes célibataires de 25 ans et plus de « prier Sainte Catherine pour trouver un mari » (sic) – mais en souvenir de l’assassinat, le 25 novembre 1960, des trois sœurs Mirabal, militantes politiques victimes des sbires du dictateur Rafael Trujillo, en République Dominicaine.

Seize journées d’action

Cette année, l’ONU a décidé d’appuyer un peu plus sa démarche pour mobiliser autour de cet événement qui peine encore à capter l’attention de toute la communauté internationale en proposant seize journées d’action sous la bannière « Orangez le monde : #EcoutezMoiAussi », un mot-dièse (ou hashtag) traduit de l’anglais #HearMeToo, référence évidente au fameux #MeToo lancé en octobre 2017 sur Twitter par l’actrice Alyssa Milano pour dénoncer le harcèlement sexuel et repris en France sous le non moins fameux mot-dièse #BalanceTonPorc. « Le hashtag HearMeToo est effectivement une continuation du mouvement MeToo » explique au téléphone depuis New York Julien Pellaux, conseiller de la directrice exécutive d’ONU Femmes, la Sud-Africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka.

« L’idée de cette journée, poursuit Julien Pellaux, c’est de dire  » c’est vrai qu’il y a eu une mobilisation historique avec le mouvement MeToo sur les questions de violences et particulièrement sur les questions de harcèlement sexuel mais qu’il faut donner la parole à celles qui n’ont pas forcément la même force de parole « . Le mouvement MeToo c’étaient surtout des célébrités, des femmes qui ont un certain statut, qui ont accès aux réseaux sociaux. Mais pour la grande majorité des femmes dans le monde, ce n’est pas le cas. L’idée de HearMeToo, explique-t-il, c’est de donner des exemples de femmes victimes, qui ont survécu à différentes formes de violences à travers le monde et dans différentes classes sociales. Et d’amener aussi la parole de ceux qui doivent répondre à ces questions de harcèlement et de violences, c’est à dire la police, les services sociaux, les services de santé, toute la structure étatique en fait qui a une responsabilité vis-à-vis de ces violations et qui doit être à l’écoute des femmes qui sont victimes de ces violences. »

Ces seize jours d’activisme débutent donc symboliquement le 25 novembre, date de la Journée mondiale contre les violences faites aux femmes pour se terminer le 10 décembre, date de la Journée internationale des droits de l’homme. À Paris, elle s’est manifestée dès ce samedi sous la forme d’une marche entre la place de la République et la place de l’Opéra à l’initiative d’un collectif mobilisé sous l’étendard d’un autre mot-dièse – #NousToutes – relayé sur les réseaux sociaux. Durant cette période de seize jours, les partenaires de la campagne Tous Unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes lancée en 2008 par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon sont invités à organiser des rencontres en partenariat avec les mouvements féminins nationaux, régionaux et mondiaux, les défenseurs des victimes et les promoteurs des droits humains féminins, et aussi à créer des occasions de dialogue entre les activistes, les décisionnaires et le public.

« L’arbre qui cache la forêt »

Comme pour les années précédentes, précise l’ONU, la couleur orange sera un élément clef dans l’unification de toutes les activités, les bâtiments et les monuments étant éclairés et décorés en orange dans le but d’attirer l’attention du monde entier sur cette initiative. Une initiative saluée toutefois avec quelques réserves par certaines associations comme la fédération GAMS (Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles et des Mariages Forcés) dont nous avons joint la directrice, Isabelle Gillette-Faye, au téléphone. « Si l’initiative prise par l’ONU permet aux chefs d’État, aux grandes ONG, aux institutions internationales, aux politiques locales de s’en saisir pour améliorer la situation des femmes, des petites filles et des ados, alors c’est très bien » se réjouit-elle «  Mais nous, ce qu’on aimerait, objecte-t-elle aussitôt, c’est que ce soit comme un piqûre de rappel, un peu comme un vaccin, qu’on rappellerait chaque année mais que, tout au long de l’année, ce vaccin fasse effet ».

MONICA BALTODANO

Isabelle Gillette-Faye regrette en effet que ces journées d’action soit un peu « l’arbre qui cache la forêt », un « marronnier » pour être plus précis, du nom que l’on donne dans la presse aux sujets qui reviennent chaque année à la même période. Pour autant, elle ne nie pas l’utilité de ces journées d’action auxquelles va d’ailleurs participer, à son niveau, son association. « Je trouve néanmoins que c’est très intéressant par rapport à MeToo, précise-t-elle, car le cumul des violences faites aux femmes ne se limite pas effectivement aux violences sexuelles ou au harcèlement sexuel. Elles sont beaucoup plus nombreuses, beaucoup plus vastes, elles agissent depuis le plus jeune âge jusqu’au décès de la personne. L’idée, c’est qu’il faut que cela touche les femmes de toutes les origines, de tous les âges, de toutes les générations. Ça prend des formes différentes et les formes de violences peuvent être cumulatives entre elles. »

« MeToo a eu un impact »

La colère des femmes lors d’une manifestation à Paris le 29 octobre 2017.© AFP/Bertrand Guay

Isabelle Gillette-Faye est d’ailleurs la première à reconnaître que les choses ont quand même un peu changé depuis l’année dernière : « MeToo a eu un impact, si je prends l’exemple du nombre de dépôt de plaintes, analyse-t-elle. « Par contre, regrette-t-elle, j’attends toujours de savoir si ça a entraîné plus de condamnations et de combien d’agresseurs. On peut avoir une augmentation de 22% de plaintes. Mais si, au final, si on a toujours, comme c’est le cas, seulement 2% des agresseurs qui sont poursuivis et condamnés, cela ne va pas servir à grand-chose ».

D’après les données recueillies par ONU Femmes auprès de 87 pays de 2005 à 2016, 19% des femmes âgées de 15 à 49 ans affirmaient avoir subi des violences physiques ou sexuelles infligées par un partenaire intime au cours des douze mois ayant précédé l’enquête, des chiffres qui seraient dans la réalité bien supérieurs à ceux énoncés dans cette étude, selon de nombreuses associations. Ces données ne prennent par exemple pas en compte les violences subies sur les zones de conflit où les viols sont pratiquement systématiques. Selon ONU Femmes, l’un des principaux obstacles aux efforts déployés pour prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles de tous horizons reste le manque de financements, d’où l’utilité de ces seize journées de mobilisation sur la durée.

Même si des programmes-cadres tels que les objectifs de développement durable (ODD)adopté par les leaders mondiaux en 2015 tendent notamment à éliminer la violence faite aux femmes et aux filles et sont porteurs d’espoir, ils doivent pouvoir disposer de fonds suffisants pour pouvoir réellement transformer la vie des femmes et des filles. « Les pays qui ont formé par exemple les policiers à recevoir les plaintes pour violences faites aux femmes sont beaucoup plus efficaces à la fois pour les recueillir mais aussi pour les déceler » indique Julien Pellaux, d’ONU Femmes. « Si la personne n’est pas formée pour se rendre compte de certains indices, elle ne va pas se rendre compte qu’il y a un problème qui est plus grave et prendre action. Donc il faut qu’il y ait un financement qui soit spécifique, pour répondre aux violations. »

Et il cite l’exemple de la Tanzanie où, grâce à un programme promu par ONU Femmes, chaque bureau de police compte désormais dans ses rangs un officier qui est formé aux questions de genre et de violences faites aux femmes et qui sait y répondre. « C’est pourtant l’un des pays les moins développés au monde. Donc cela prouve que ce n’est pas une question de ressources mais bien une question de volonté politique » observe Julien Pellaux. « Après, continue-t-il, il faut aussi qu’il y ait un investissement dans la prévention. C’est vraiment un domaine où il y a un énorme manque de ressources. C’est pour ça que les campagnes de seize jours sont importantes et c’est l’une des raisons pour lesquelles on doit laisser la créativité s‘exprimer au niveau de chaque pays. Mais, conclut-il, cela doit aller au-delà de ces campagnes de sensibilisation. Il faut par exemple regarder les manuels scolaires, toutes les questions de la discrimination contre les femmes qui s’inscrivent subtilement dans tout ce qui nous touche au jour le jour. Ou encore les stéréotypes de genre dans la publicité », un domaine où la représentation de l’image des femmes laisse encore beaucoup à désirer.

  • Rappel : en France, toute personne exposée aux violences faites aux femmes peut contacter le 3919 où est assurée une écoute anonyme et gratuite sept jours sur sept.
  • QUELQUES FAITS ET CHIFFRES (SOURCE ONU FEMMES)
    • 35% des femmes dans le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime ou des violences sexuelles de la part d’une autre personne à un moment donné dans leur vie.
    • 43% des femmes des 28 États membres de l’Union européenne ont subi une forme ou une autre de violence psychologique de la part d’un partenaire intime au cours de leur vie.
    • Selon les estimations, sur la totalité des femmes qui avaient été victimes d’homicide dans le monde en 2012, près de la moitié avaient été tuées par un partenaire intime ou membre de la famille, contre moins de 6% des hommes tués la même année.
    • Dans le monde, près de 750 millions de femmes et de filles actuellement en vie ont été mariées avant l’âge de 18 ans.
    • Environ 120 millions de filles dans le monde (soit un peu plus d’une sur dix) ont déjà été forcées à avoir des relations sexuelles ou à s’adonner à d’autres actes sexuels à un moment donné dans leur vie.
    • Au moins 200 millions de filles et de femmes actuellement en vie ont subi une mutilation génitale féminine dans les 30 pays disposant de données représentatives sur la prévalence. Dans la plupart de ces pays, la majorité des filles ont subi une circoncision avant l’âge de 5 ans.
    • Plus de la moitié (51%) des victimes de trafic d’êtres humains dans le monde sont des femmes adultes. Les femmes et les filles représentent 71% des victimes, les filles seules comptant pour près de trois victimes sur quatre du trafic d’enfants. Près de trois femmes et filles victimes du trafic d’êtres humains sur quatre le sont à des fins d’exploitation sexuelle.
    • Selon le rapport de l’Union européenne, une femme sur dix âgée de plus de 15 ans a déjà été victime de cyber-harcèlement (qui peut prendre la forme de l’envoi de messages indésirables, de courriers électroniques ou SMS de nature offensive et sexuellement explicite ou d’avances offensives et importunes sur les sites des réseaux sociaux).
    • Moins de 40% des femmes victimes de violences demandent de l’aide sous une forme ou une autre. Et moins de 10 % des femmes victimes de violence ayant demandé de l’aide ont fait appel à la police.

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