Grossesse précoce chez les enfants

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L’intérêt de cet entretien, c’est qu’il rappelle qu’à  10 ans on est encore une enfant ! Et que c’est encore une réalité  dans de nombreux pays. Il aurait été souhaitable d’aller plus loin :  mariages précoces, viols, pédocrimminalité… Mais cela demeure rassurant que tous les médias ne soient pas uniquement dans la logique de qui sera la prochaine pour le Guinness Book des Records de la plus jeune mère…

Par Anne Jeanblanc – Publié le 03/11/2010 à 14:41 Le Point.fr

INTERVIEW

Être enfant et maman à la fois

En Espagne, une fillette de 10 ans d’origine roumaine a donné naissance à un bébé de 2,9 kilos. Si ce n’est pas la plus jeune mère au monde – le triste record serait détenu par une petite Péruvienne de moins de 6 ans -, la nouvelle a de quoi inquiéter. Mais le Dr Sylvain Mimoun, gynécologue, andrologue et psychosomaticien à l’hôpital Cochin (Paris) se montre rassurant, en tout cas pour les jeunes Françaises.

Le Point : Des grossesses chez des filles si jeunes, est-ce exceptionnel ?

Dr Sylvain Mimoun : Heureusement oui. Mais il faut établir des différences selon les pays et les cultures. Dans certaines sociétés coutumières (africaines, gitanes ou maghrébines), devenir mère constitue un rituel de passage de l’enfance au monde adulte. Les grossesses sont programmées et attendues par un couple, une famille, un clan. En Afrique, par exemple, la puberté est précoce, les mariages aussi et il n’est pas rare pour une femme d’avoir son premier bébé à 12 ans. Tandis qu’en France, la puberté commence vers 12 ou 13 ans et quel que soit l’âge de son apparition, il n’y a normalement pas d’ovulation – donc de possibilité de grossesse – au cours des premières règles. Surtout, les jeunes Françaises ont facilement accès à la contraception.

Dans nos sociétés, une ado peut-elle avoir envie d’un enfant ou est-ce en général un accident ?

Certaines adolescentes n’ont pas envie d’avoir un enfant, mais elles veulent juste être « un peu enceintes », pour vérifier que cela fonctionne bien. C’est pour ça que la contraception est si difficile à instaurer chez les jeunes filles. En consultation, quand je dis à une jeune patiente : « Tout est parfaitement normal », il n’est pas rare qu’elle dise : « Donc je vais pouvoir être enceinte un jour. » Le garçon, lui, répond, le plus souvent : « Donc je vais être capable d’avoir un rapport sexuel. » Aux États-Unis, le problème est différent : les grossesses sont plus fréquentes chez les ados, notamment dans les classes défavorisées et chez les Noirs, car ces jeunes sont peu informés et ont moins recours à la contraception.

Ces très jeunes mères sont-elles en général des adolescentes malheureuses ?

Toutes les enquêtes montrent qu’un grand nombre de mères mineures ont souffert dans leur enfance de conditions de vie difficiles, de mauvaises relations avec leurs parents, voire de violences physiques. Elles sont le plus souvent angoissées, dépressives, elles manquent de confiance en elles et elles parlent de sentiment d’abandon. En devenant mères, elles acquièrent un statut d’adulte (d’ailleurs, la loi française le stipule). Et elles pensent compenser ce manque d’amour par un « jouet vivant » qu’elles pourront serrer contre leur corps et leur coeur. Malheureusement pour elles, elles seront passées du statut d’enfant à celui de mère, sans avoir connu celui de femme.

Ces grossesses sont-elles plus risquées que les autres ?

Pour les mères, en principe non. Mais il faut souligner que leur découverte est souvent tardive. Les parents ne s’inquiètent pas de la prise de poids de leur fille, qu’ils attribuent à une mauvaise alimentation, et en général ils ne vérifient pas qu’elles sont réglées chaque mois. Quant aux adolescentes, si leurs cycles n’étaient pas réguliers (certaines peuvent rester 2, 3 voire 4 mois sans règles), elles peuvent ne pas se poser de question. Les autres ne se sentent « pas à l’aise » pour en parler et préfèrent s’enfermer dans le déni de grossesse. Quant aux enfants, ils sont plus souvent prématurés et ils ont en général un poids inférieur à la moyenne.

Ces jeunes filles, voire ces fillettes, font-elles de bonnes mères ?

Pour être une bonne mère, il faut être bien dans sa peau et aimer l’enfant. Tout dépend du contexte ; si l’environnement familial est très enveloppant et tranquillisant, cela peut très bien se passer. Si la jeune mère est rejetée, par son compagnon comme par sa famille, qu’elle galère au quotidien, cela risque d’avoir des répercussions sur l’enfant. Même si ce dernier n’est pas maltraité de façon volontaire, il peut souffrir d’un manque de nourriture ou de conditions d’hygiène. Mais cela ne veut pas dire que ce sera mieux s’il est placé en institution. Dans ce domaine, les assistantes sociales ont un rôle énorme à jouer pour aider ces femmes au cas par cas.

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