Min Yé (Dis moi qui tu es) de Souleymane Cissé

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Quatorze ans après Waati (Le Temps), sorti en 1995, Souleymane Cissé revient aux affaires en 2009 avec Min Yé (Dis moi qui tu es).

Le film est présenté la même année dans des hôtels de Bamako, au festival de Cannes, au New York Film festival, et au London Film Festival et n’est toujours pas distribué en France, ni en Afrique d’ailleurs.

Une longue période pendant laquelle le réalisateur a créé l’UCECAO (Union des Créateurs et Entrepreneurs de Cinéma et d’Audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest) et œuvré de toutes ses forces pour l’émergence d’un nouveau cinéma africain.

A la question : quel film aujourd’hui pour l’Afrique ? Souleymane propose une réponse, c’est Min Yé. Si, comme il se dit, les réalisateurs africains, produits par les guichets du nord, ont fait les films que les blancs attendaient, Min Yé en est l’inverse démonstration et surprend son monde … Souleymane Cissé s’attaque à un sujet brûlant dans la société malienne : la polygamie. Il le fait sous forme de comédie.

A l’origine, Min Yé, était destiné à être une série télé et en reprend les codes. Le personnage principal, Mimi, solide pivot de l’action, est interprété par Sokona Gakou, journaliste et très fameuse présentatrice du petit écran, enfin, les plus grands musiciens maliens sont invités dans la bande son. Au premier degré, il faut reconnaître que Souleymane Cissé cible son public …

La flamboyante Mimi, quadragénaire, médecin dans une organisation gouvernementale, est mariée à Issa, réalisateur de films (tiens !) qui a conjointement une épouse plus jeune et un enfant de celle-ci. Mimi file le parfait amour avec Abba, grossiste en poissons, lui même pourvu de deux épouses.

Milieu bourgeois, luxe à tous les étages, soucis de riches…et situations vaudevillesques. En contrepoint, l’’amour tente de s’épanouir dans la nature, au bord de l’eau. Ce qui nous vaut les plus belles scènes du film.

Derrière les gesticulations, se mène un combat de dupes. Au Mali, l’indépendance financière d’une femme ne la protège ni de la vindicte publique, ni des dégâts de l’hypocrisie, ni de la corruption des juges.

Pas touche à la société des hommes ! Mimi qui veut vivre librement son amour avec Abba, n’est que ridicule ; en porte à faux entre deux cultures, la sienne dont elle veut se libérer, et l’occidentale, dont elle n’a pas les clés : elle se débat en toute mauvaise foi, entre le statut de femme libre et celui de reine de la maison.

Sokona Gakou porte le rôle avec panache. Costumière, elle s’est offert un festival de tenues extravagantes . Autour d’elle, de son mari insaisissable mais néanmoins jaloux, de son amoureux un peu lâche, s’agite, étrangement éloigné du monde du travail, le petit monde codifié de la sitcom..Seul, le personnage de Mimi est travaillé en profondeur . Apparemment forte et rebelle, elle cumule des défauts contradictoires : naïve et rouée, flamboyante et fragile, romantique et intéressée. Les péripéties de son combat dévoilent une société gangrenée par de paresseux arrangements…

Nul doute qu’à Bamako, on se soit tapé sur les cuisses en suivant les truculentes aventures de nos héros de proximité. Il n’empêche que, sous l’habillage new look,, on retrouve les interrogations de Souleymane Cissé, témoin de son temps, de son pays, de sa culture. Où va cette société ? Vers quels lendemains ? Pourra-telle toujours se ressourcer auprès de cette nature somptueusement filmée ? C’est alors que le titre : Min Yé, « Dis moi qui tu es » semble livrer son secret…

Source : http://www.mutations.co/index.php/culture/entertainment-news/cinema/774-min-ye-de-souleymane-cisse-une-attaque-contre-la-polygamie

 

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